Pharmacien d’officine : quelles études et quel avenir pour la filière ?
Les étudiants qui souhaitent devenir pharmacien d’officine doivent aujourd’hui suivre six années d’études supérieures. Un cursus de santé qui, malgré l’intérêt notamment humain de cette profession, peine à séduire. Romain Gallerand, étudiant en 6e année de pharmacie et porte-parole de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), fait le point sur les conséquences de la réforme des études de santé et sur les pistes envisagées pour remplir les bancs de la filière pharmacie.
Il y a un peu plus de 2 ans, les pouvoirs publics ont réformé en profondeur le déroulement des études de santé.
Quelles ont été les conséquences de cette réforme sur la filière pharmacie ?
« La réforme des études de santé a mis fin, notamment, à la Première année commune aux études de santé (Paces). Il existe donc, désormais, deux voies d’accès à la filière de pharmacie, à savoir le Parcours accès santé spécifique (Pass) et la Licence accès santé (LAS). Sachant que des passerelles existent avec les filières paramédicales (infirmiers, préparateurs…). Durant cette première année d’étude, la santé constitue une discipline majeure (Pass) ou mineure (LAS) pour les étudiants. Ce qui signifie qu’ils sont amenés, en plus de la santé, à explorer d’autres disciplines comme le droit, l’économie ou bien encore l’histoire. L’objectif de la réforme étant de diversifier les profils des étudiants en pharmacie, mais aussi de permettre à ceux qui ne valident pas leur première année de se réorienter pus facilement, ce qui n’était pas le cas avec la Paces».
Et une fois la première année validée, comment se déroulent les études de pharmacie ?
« Les étudiants qui ont validé leur première année et qui sont admis dans la filière santé peuvent poursuivre leurs études de pharmacie en trois cycles.
Le premier, qui correspond au Diplôme de formation générale en sciences pharmaceutiques (DFGSP), va permettre aux étudiants de suivre des cours d’introduction au métier de pharmacien, notamment sous la forme de travaux pratiques et dirigés. Le tout accompagné de deux stages d’initiation qui peuvent être effectués à l’officine ou à l’hôpital.
Le deuxième cycle, c’est-à-dire le Diplôme de formation approfondie en sciences pharmaceutiques (DFASP), va, lui, permettre aux étudiants de se spécialiser progressivement dans l’exercice professionnel choisi, en particulier celui de pharmacien d’officine. Il comprend notamment une année d’externat, une année hospitalo-universitaire, durant laquelle les étudiants vont découvrir l’interprofessionnalité entre le pharmacien de ville et le pharmacien d’hôpital. Vient ensuite le troisième cycle d’études, la 6e année, qui se conclu par un stage de 6 mois en officine et qui mène à la thèse ».
Quelles sont aujourd’hui les principales motivations des étudiants qui choisissent la filière de la pharmacie d’officine ?
« Bien entendu, la première motivation des étudiants en pharmacie est la volonté d’aider, de conseiller, d’accompagner les patients et plus globalement de contribuer aux soins à la personne. Mais ce n’est pas tout, car si le pharmacien d’officine a longtemps été considéré comme un simple commerçant, le métier est en réalité bien plus large que cela. C’est d’ailleurs la diversité des missions confiées à ce professionnel qui intéressent aujourd’hui les étudiants.
Le pharmacien d’officine a, au fil du temps, été conforté dans son rôle de conseil et de prévention pour devenir un acteur central du système de soins français. Aujourd’hui, par exemple, ce ne sont pas moins de 13 vaccins qui peuvent être administrés à l’officine ! Les étudiants en pharmacie ont d’ailleurs été très fortement sollicités durant la pandémie de Covid-19, et ce dès le premier confinement, aussi bien pour renforcer les équipes officinales au comptoir que pour réaliser des tests et administrer des vaccins ».
À l’inverse, quels sont aujourd’hui les freins au métier de pharmacien ?<3>
« Le principal obstacle au métier de pharmacien est le manque de communication sur la diversité des missions qui lui sont confiées. Les étudiants sont alors plus enclins à se tourner vers le métier de médecin, davantage exposé sur la scène médiatique que celui de pharmacien. Par ailleurs, les contraintes liées au métier de pharmacien, comme le travail le week-end, peuvent aussi être un frein au métier.
La nouvelle génération n’a pas forcément envie de vivre uniquement pour son travail ou même de se cantonner à une seule activité. Les jeunes pharmaciens aspirent désormais à garder du temps pour eux, pour leur famille, ou à s’impliquer dans d’autres activités professionnelles. C’est un constat qui concerne d’ailleurs toutes les filières et toutes les branches professionnelles ».
Actuellement, près d’un tiers des places en deuxième année de pharmacie restent vacantes. Quelles en seront les conséquences directes ?
« En effet, à la rentrée 2022-2023, il y avait plus de 1 000 places vacantes en deuxième année de pharmacie : c’est tout autant de pharmaciens qui ne seront pas diplômés dans 6 ans. D’autant qu’il manque déjà entre 10 000 et 15 000 pharmaciens en France ! La situation est alarmante puisqu’elle met en péril le métier de pharmacien tout en fragilisant le maillage territorial des officines. Nous devons déjà faire face, aujourd’hui, à des déserts médicaux. Si des déserts pharmaceutiques venaient également à exister, notre système de soins courrait à la catastrophe ».
Quelles sont les pistes envisagées pour remédier à la situation ?
« Depuis maintenant 6 ans, une réflexion est engagée pour réformer le troisième cycle de pharmacie. Cette réforme vise à revaloriser le statut de l’étudiant de 6e année officine. Elle aboutirait à développer la formation avec une approche par compétences officinales, plutôt que par connaissances, ce qui est indispensable pour s’adapter aux nouvelles missions des pharmaciens de demain. Et elle permettrait également d’aboutir à une revalorisation de la rémunération des stages.
Mais surtout, nous travaillons en partenariat avec les pouvoirs publics, la FSPF, l’USPO, le Leem ou encore l’Ordre des pharmaciens pour promouvoir les études de pharmacie. Nous projetons de mettre en place une grande campagne de communication afin de mieux informer les étudiants, et ce dès le lycée. Car actuellement, seulement 2,6 % des étudiants ont entendu parler de la filière pharmacie au cours de leurs années de lycée ! Et nous encourageons également l’ensemble des pharmaciens à accueillir des stagiaires pour promouvoir leur métier et susciter des vocations ».
Interview réalisée par Madame Soustre des Echos Publishing