Le nouvel abus de droit fiscal
Publié le 17 avril 2019

 

L’administration pourra bientôt écarter, comme étant abusifs, les montages ayant un but principalement fiscal.

 

La loi de finances pour 2019 renforce l’arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales en apportant une modification d’ampleur à la définition de l’abus de droit. Actuellement, l’administration fiscale peut écarter, comme étant abusifs, les montages ayant un but exclusivement fiscal, c’est-à-dire visant à réduire ou à annuler un impôt ou une taxe en dehors de tout autre considération. Le législateur a étendu cette notion d’abus de droit aux montages poursuivant un but principalement fiscal. Une nouvelle définition qui soulève de nombreuses questions.

 

Un but principalement fiscal

 

Le nouvel abus de droit s’appliquera aux actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020 pour les rectifications notifiées à partir du 1er janvier 2021. Une entrée en vigueur volontairement différée par le législateur pour permettre à l’administration fiscale d’en préciser les contours. Des clarifications qui sont vivement attendues afin d’assurer la sécurité juridique des contribuables. En effet, pour l’heure, ce nouveau dispositif suscite une grande incertitude quant à la détermination du critère de but principalement fiscal et à son évaluation par rapport aux motifs économiques, familiaux ou patrimoniaux des opérations en cause, difficilement quantifiables. Les commentaires administratifs devraient apporter des réponses à l’application pratique de ce critère. Tout du moins dans un premier temps car les divergences d’interprétation entre des différents services des impôts, puis les juges, ne manqueront pas de venir enrichir le débat dans les prochaines années.

 

L’intention du législateur

 

Une autre préoccupation entoure les montages potentiellement visés par le dispositif. Le texte, rédigé en des termes larges, recouvrira des situations que ni l’administration ni les praticiens n’auront anticipées. Les professionnels se sont d’ores-et-déjà inquiétés du sort des démembrements de propriété réalisés dans le cadre des transmissions anticipées de patrimoine entre générations. Finalement, le gouvernement a expressément indiqué que ce schéma ne sera pas sanctionné sur le fondement du nouvel abus de droit dès lors que les transmissions concernées ne seront pas fictives. D’autant plus que la loi elle-même encourage ces transmissions anticipées.

 

Ainsi, deux conditions doivent être cumulativement réunies pour qu’un montage soit considéré comme abusif, à savoir la poursuite d’un but principalement fiscal et une application littérale de la loi fiscale contraire à l’intention du législateur. La recherche, par les conseils, de cette intention sera donc fondamentale pour évaluer le risque réel de remise en cause d’une opération sur le terrain de l’abus de droit. Beaucoup de montages, même ayant un but principalement fiscal, ne seront donc pas sanctionnés dès lors qu’ils auront été mis en place conformément à l’intention du législateur. Sans oublier, bien entendu, qu’il existe des motifs importants autres que fiscaux pour motiver une opération.

 

L’articulation des dispositifs

 

Le nouvel abus de droit ne supprime pas l’abus de droit classique. Et il s’ajoute aux autres dispositifs anti-abus spécifiques, notamment à la nouvelle clause anti-abus générale en matière d’impôt sur les sociétés, applicable aux exercices ouverts dès le 1er janvier 2019. Une clause dont la rédaction très proche de celle du nouvel abus de droit soulève les mêmes incertitudes.

 

À défaut de clarification par le législateur, l’articulation entre ces différents dispositifs pose aussi difficulté. Sans oublier que les conséquences notamment en matière de pénalités fiscales ne sont pas identiques. En effet, l’abus de droit classique donne lieu à une pénalité automatique de 80 % tandis que seules les pénalités de droit commun peuvent être encourues dans le nouvel abus de droit ainsi que la clause anti-abus générale précitée, c’est-à-dire 40 % en cas de manquement délibéré et 80 % en cas de manœuvres frauduleuses, et sous réserve que leurs conditions d’application soient remplies. En tout état de cause, la nouvelle définition de l’abus de droit impliquera un devoir de vigilance accru chez les conseils.

 

Actualité