La cession du fonds de commerce : les étapes à respecter
Publié le 25 juillet 2023

La cession d’un fonds de commerce d’officine est une opération longue et complexe qui doit être très encadrée. Elle donne lieu à de nombreuses formalités et doit faire l’objet de points de vigilance particuliers. Retour sur les étapes à suivre et les prudences à respecter avec Arthur Boivin, collaborateur au sein de la SCP « Christophe POPINEAU, Valérie ROCCA, Marie-Josée AH-FENNE et Sylvie PONS-SERVEL, Notaires associés » membre du Groupe Monassier et membre du réseau Pharmétudes.

 

Quels sont éléments qui composent le fonds de commerce d’une pharmacie ?

 

« Comme tout fonds de commerce, celui d’une pharmacie comprend l’ensemble des biens corporels et incorporels, qui sont nécessaires à l’exercice de l’activité. Il est donc constitué de la clientèle, élément central du fonds, de l’achalandage, de l’enseigne, du nom commercial, du droit au bail, du bénéfice de la continuation de tous les contrats, du mobilier, du matériel, le cas échéant, du stock de médicaments, etc. Plus particulièrement dans le cadre d’une officine, le fonds comprendra la licence d’exploitation et les livres d’ordonnances ».

 

Quels sont les prérequis à la cession ?

 

« La cession du fonds de commerce va débuter par une phase précontractuelle au cours de laquelle vendeur et acheteur doivent s’entendre sur ce qui est vendu et sur son prix. À ce stade, il est donc essentiel d’établir un inventaire rigoureux des éléments qui constituent le fonds et surtout de lister ceux qui seront exclus de la cession. Quant à la détermination du prix, elle suppose de procéder à un audit comptable, financier, fiscal et social de l’officine au moyen d’un examen attentif de ses bilans, comptes de résultats et autres contrats. C’est également durant cette phase précontractuelle que les parties doivent s’accorder sur les modalités de paiement du prix : paiement comptant ou paiement partiel comptant suivi d’un paiement à terme (notamment pour le stock) ».

 

Que doit contenir le compromis de vente ?

 

« Une fois les négociations abouties, vient l’étape du compromis de vente qui détermine toutes les conditions de la vente négociées entre les parties. Il contient : l’objet de la vente, le prix, les modalités de paiement, les modalités de reprise des contrats, les informations exhaustives concernant l’exploitation de l’officine : énonciation des éléments comptables (chiffre d’affaires, résultats) et juridiques (tous les contrats existants : salariés, fournisseurs…).

 

Le compromis doit être assorti de certaines conditions suspensives. La principale d’entre elles est généralement celle relative au financement de l’acquisition, pour laquelle il faut prendre le soin de mentionner le montant maximal emprunté, le taux maximum et la durée. Mais d’autres conditions suspensives, plus spécifiques, peuvent être pertinentes au regard de l’activité du pharmacien. Par exemple, il est possible de conditionner la vente à l’accord préalable d’un franchiseur afin de permettre la poursuite, par l’acquéreur, d’un contrat de franchise antérieurement conclu avec le vendeur.

 

Le compromis doit obligatoirement comporter une condition d’obtention par l’acquéreur de son inscription au tableau de l’ordre des pharmaciens et de l’enregistrement de sa déclaration d’exploitation conformément au code de la santé publique.

 

Enfin, on pensera à intégrer une condition suspensive de transfert de l’officine, dans l’hypothèse où l’acquéreur souhaiterait l’exploiter dans des locaux différents de ceux du vendeur ».

 

Comment se déroule la signature de l’acte de vente ?

 

« Une fois l’ensemble des conditions suspensives réalisées, les parties peuvent procéder à la signature de l’acte de vente définitif. Mais attention, il faut bien comprendre que la signature définitive de l’acte ne sera pas synonyme, pour le vendeur, de la perception immédiate du prix. En effet, la loi impose en matière de vente de fonds de commerce, un délai de solidarité fiscale, pouvant aller jusqu’à 150 jours, entre le vendeur et l’acquéreur.

 

Un dispositif qui permet alors à l’administration fiscale de réclamer à l’acquéreur le paiement, notamment, de l’impôt sur les bénéfices réalisés durant l’année en cours. Aussi, pour protéger l’acquéreur, il est hautement recommandé de procéder au séquestre du prix de cession en la comptabilité du notaire (ou un professionnel disposant d’une assurance responsabilité professionnelle). Séquestre qui se révèle également indispensable pour régler les autres créanciers du vendeur qui viendraient à se manifester à l’occasion des formalités de publicités consécutives à la cession du fonds ».

 

Quels sont les points de vigilance à observer ?

 

« Au-delà de la valorisation du fonds de commerce qui doit être la plus juste possible, un audit approfondi du fonctionnement de l’officine doit être réalisé. L’acquéreur doit porter une attention toute particulière, au bail commercial, élément primordial du fonds de commerce : absence d’éléments pouvant conduire à sa remise en cause, voir à sa résiliation (impayés, travaux non autorisés…) et conformité de l’exploitation aux règles d’urbanisme applicables à l’immeuble.

 

Il doit aussi, sans que ces diligences ne soient exhaustives, vérifier :

– que les locaux de l’officine sont aux normes,

– la régularité du volet social (déclarations, contrats de travail, affichages …),

– l’absence de procédures prudhommales ou autres,

– la composition du chiffre d’affaires : absence de contrat de fourniture particulière (auprès d’un hôpital ou d’une maison de retraite par exemple) ou de ventes par internet pouvant fausser la stabilité du chiffre d’affaires,

– la composition du stock pour exclure les périmés à quelques mois,

– l’absence de projets de créations et transferts d’officine susceptibles d’être en cours dans la zone géographique le concernant.

De son côté, le vendeur a tout intérêt à s’assurer, dès le début des négociations, des capacités financières du candidat acquéreur (par l’existence de fonds propres, par exemple) afin de ne pas immobiliser juridiquement son fonds de commerce inutilement pendant plusieurs mois ».

 

Quel rôle joue le notaire dans la cession du fonds de commerce ?

 

« Le notaire joue un rôle central dans toutes les étapes de la cession du fonds de commerce. Tout d’abord, en raison de sa place unique au sein du tissu socio-économique, il peut, bien en amont, mettre en relation des vendeurs et des acquéreurs potentiels.

 

Ensuite, grâce à son expertise juridique, il est à même, au stade des négociations, d’analyser et d’auditer les éléments transmis par le vendeur. Il assure la sécurité juridique de la procédure de cession. L’acte authentique rédigé par le notaire est difficilement contestable, doté de la force exécutoire il peut permettre au vendeur, le cas échéant, d’obtenir le paiement du prix ou du stock sans avoir à recourir à un jugement.

 

Enfin, grâce à la transversalité de ses connaissances, le notaire est en mesure de prendre en compte la nature du projet de cession dans un schéma patrimonial plus global aussi bien pour l’acquéreur que pour le vendeur ».

 

Interview réalisée par Madame Soustre des Echos Publishing

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