Démarrage chaotique pour la vaccination en pharmacie
Publié le 18 mars 2021

Lancée officiellement depuis le 6 mars dernier, la campagne de vaccination contre la covid-19 est freinée par les retards de livraison et la suspension temporaire du vaccin d’AstraZeneca.

 

Les difficultés s’accumulent pour les pharmaciens vaccinateurs. Après plusieurs semaines d’attente et conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé, le décret ministériel autorisant la vaccination par les pharmaciens est paru au Journal officiel du 5 mars dernier. Rappelons que le texte permet à ces derniers d’administrer l’ensemble des vaccins actuellement disponibles. Une autorisation assortie toutefois de conditions restrictives. Les deux vaccins à ARN messager, commercialisés par Pfizer/BioNTech et Moderna, ne peuvent en effet être prescrits et administrés que dans les quelque 1 800 centres de vaccination ouverts, sous la surveillance d’un médecin. Les pharmaciens qui souhaitent rejoindre ces centres doivent s’y faire enregistrer préalablement et doivent avoir été formés à la vaccination (ce qui est le cas pour ceux déjà engagés dans la vaccination contre la grippe saisonnière). Certaines populations sont par ailleurs exclues de cette vaccination comme les femmes enceintes ou les personnes présentant un trouble de l’hémostase. Quant aux vaccins à vecteur viral, ceux d’AstraZeneca et de Janssen, les règles sont nettement plus souples puisque les pharmaciens sont autorisés à les administrer dans leur officine, toujours sous réserve qu’ils aient été formés à la vaccination, et en respectant les critères actuels d’éligibilité des patients. La priorité est pour l’heure donnée aux professionnels de santé, aux patients de plus de 75 ans et à ceux de moins de 75 ans qui présentent des pathologies à très haut risque de faire une forme grave de Covid-19.

 

Mobilisation générale de la profession

 

La campagne vaccinale en pharmacie est donc officiellement lancée depuis la semaine dernière. Et cette première étape a été réussie puisque la quasi-totalité des officines où des pharmaciens ont été formés à la vaccination se sont déclarées volontaires pour vacciner avec l’AstraZeneca. Plus de 6 700 d’entre elles ont même été livrées la semaine du 8 mars dans les 18 départements dits de « vigilance renforcée ». Mais déjà, les obstacles surgissent. Au moment où les pharmaciens sont prêts à se lancer, le laboratoire AstraZeneca a annoncé qu’il ne pourrait livrer qu’un tiers des doses promises sur le 1er semestre. La profession a désormais peu de visibilité sur ses livraisons à partir du mois d’avril. Le vaccin développé par Janssen pourrait prendre le relais, mais le laboratoire américain fait, lui aussi, part de difficultés de production… Autre contretemps majeur, la suspension, a priori temporaire, du vaccin d’AZ, le temps que l’EMEA rende ses conclusions sur ses effets secondaires. Le lancement effectif de la vaccination est donc décalé de plusieurs jours, alors que les indicateurs épidémiques se dégradent et que la motivation des patients pour se faire vacciner risque de s’affaiblir. Un contexte difficile donc, aggravé par les tensions, parfois très fortes, avec les autres professionnels de santé, en particulier les médecins de ville…

 

Un enjeu majeur pour l’ensemble de la profession

 

Malgré ces difficultés, les pharmaciens sont dans « l’obligation » de réussir leur campagne vaccinale. Pour des raisons sanitaires évidentes, mais aussi parce que leurs représentants réclament depuis des mois, à juste titre, le droit de vacciner. Permettre aux quelque 21 000 pharmacies de vacciner pourrait accélérer significativement le rythme de la vaccination. Tout le secteur de la distribution pharmaceutique – grossistes répartiteurs, groupements, enseignes et pharmacies – se mobilise depuis des mois et s’organise pour faire de la vaccination à l’officine un succès. L’enjeu politique est de taille : la contribution active et réussie des pharmaciens à la vaccination confortera leur place dans l’organisation des soins primaires et les politiques publiques de prévention. Elle démontrera ainsi leur pleine capacité et légitimité à exercer d’autres services pharmaceutiques, comme le sevrage tabagique, le suivi des patients diabétiques ou leur participation au futur Service d’Accès aux soins (SAS).

 

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