Achat d’une officine : les risques des emprunts obligataires convertibles
Publié le 11 juillet 2019

Dans le cadre d’un exercice en société, les pharmaciens devraient être amenés à communiquer au Conseil de l’Ordre les conventions fixant les rapports entre les associés et les intervenants concourant au financement de l’officine.

 

Pour financer leur installation, certains pharmaciens font appel à un fonds d’investissement, lequel leur consent un emprunt obligataire, sous la forme d’obligations convertibles en actions. Mais les conditions financières associées à cet emprunt peuvent parfois mettre à mal l’indépendance professionnelle du pharmacien. Une pratique très controversée que les pouvoirs publics tentent d’encadrer. Explications.

 

Un démarrage souvent difficile

 

Malgré des indicateurs favorables (légère diminution du prix de cession moyen en 2018, nombreux départs en retraite de titulaires…), l’installation des jeunes pharmaciens demeure financièrement difficile. En cause : les banques exigent généralement des primo-accédants un apport personnel avoisinant les 20 % du montant du fonds de commerce. Et la possibilité d’exercer en société, pourtant mise à profit par les pharmaciens (53 % de pharmacies sont en société d’exercice libéral au 1er janvier 2019*), ne change pas la donne. Car, en la matière, la règlementation est stricte : seul un pharmacien titulaire peut avoir la qualité d’associé investisseur (sauf prise de participation d’un adjoint à hauteur de 10 % maximum) et au moins 50 % du capital doit être détenu par le ou les pharmaciens qui exploitent l’officine. Dès lors, pour parvenir à trouver l’apport nécessaire à leur installation, certains pharmaciens sont tentés d’intégrer un fonds d’investissement dans leur plan de financement.

 

Un emprunt obligataire très contraignant

 

Le schéma financier de l’emprunt obligataire convertible est assez simple : la société créée pour exploiter la pharmacie émet des obligations convertibles en actions au profit d’un fonds d’investissement. En contrepartie, ce fonds prête au pharmacien de quoi constituer un apport pour l’obtention d’un prêt bancaire.

 

Mais pour le Conseil national de l’Ordre et les syndicats de pharmaciens, ce dispositif de financement se révèle très contraignant. Et ce, compte tenu d’un taux de rémunération de l’emprunt de l’ordre de 8 % **. Des intérêts auxquels s’ajoute, pour sortir du dispositif, une prime de non conversion des obligations.

 

Précision : à ce jour, la règlementation ne permet pas aux investisseurs extérieurs (non pharmaciens) d’entrer dans le capital des officines et donc de demander la conversion des obligations en actions. Ce qui oblige les pharmaciens à régler la prime de non conversion.

 

Aussi, face à des fonds d’investissement jugés spéculatifs, les pharmaciens peuvent subir une pression économique importante. Une pression qui aurait des effets néfastes sur leur politique d’achat, leur stratégie de développement… et donc sur leur indépendance professionnelle. Pire encore, la situation d’endettement générée par l’emprunt obligataire pourrait conduire à des dérives commerciales qui contreviendraient aux règles déontologiques de la profession.

 

Un garde-fou instauré par les pouvoirs publics ?

 

Il appartient au Conseil national de l’Ordre de veiller au respect des règles déontologiques applicables aux pharmaciens, en particulier celles relatives à leur indépendance professionnelle.

 

Aussi, lorsqu’ils sollicitent leur inscription au tableau de l’Ordre, indispensable à l’exercice de leur profession, les pharmaciens doivent fournir les statuts de la société créée et les conventions relatives à son fonctionnement ou aux rapports entre associés.

 

À noter : ces documents, de même que les avenants aux conventions, doivent également être transmis à l’Ordre lors de la modification du mode d’exploitation d’une officine. Sachant que si certaines dispositions ne sont pas compatibles avec les règles de la profession ou contreviennent à l’indépendance du pharmacien, des sanctions peuvent être appliquées (avertissement, interdiction temporaire d’exercer…).

 

Et face aux dangers que représentent les fonds d’investissement pour l’indépendance professionnelle des pharmaciens, le projet de loi relatif à l’organisation du système de santé, actuellement en discussion au Parlement, entend étoffer la liste des pièces justificatives qui doivent être transmises au Conseil de l’Ordre. Il est ainsi prévu que le Conseil ait connaissance des conventions (et avenants) établissant les rapports entre les associés et les intervenants concourant au financement de l’officine. Et ce, afin de s’assurer que les modalités de financement de l’officine n’entravent pas l’indépendance professionnelle des pharmaciens. Reste à savoir ce que le conseil de l’Ordre fera de cette nouvelle prérogative…

 

*Source : « Prix et valeur des pharmacies 2019 », Interfimo

**Selon l’Union des pharmaciens de la région parisienne (UPRP)

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